Il y a autant de façons de vivre avec le VIH que de personnes séropositives. Découvre-les et prends la parole à ton tour si tu le souhaites.
En cette journée de lutte contre l’homophobie, cette anecdote me fait penser à comment le VIH nous affecte et nous entraîne dans des rapports sociaux différents selon où l’on se situe sur le continuum des identités sexuelles.
Avec les années, ma sexualité a bien changé. Moi qui ai découvert celle-ci dans le milieu gai, puis ai appris les règles du BDSM dans le milieu très sécuri-sexe des lesbiennes (qui n’a rien à envier à sa contrepartie masculine), je suis passé d’une identité gaie à celle de queer et, finalement, à celle de bisexuel.
Alors que j’ai passé la majorité de ma vie de séropositif dans le milieu gai, avec les difficultés qu’on connait liées au dévoilement (rejets répétitifs et autres peurs), j’essaie depuis quelque temps de cruiser des filles hétéros. Il me semble faire face à une nouvelle difficulté, mais c’est peut-être simplement moi qui ai peur de vivre de nouvelles situations de rejet, alors que j’explore un nouveau pan de ma sexualité.
Habituellement, chez les hétéros, c’est de la grossesse dont on parle en premier lorsqu’on aborde les risques liés à la sexualité. Le VIH est une pensée beaucoup plus lointaine, comparativement à son omniprésence dans la vie des gais, martelée de pubs de prévention et de condoms gratuits. Aussi me semble-t-il devoir partir de plus loin pour expliquer l’abc du VIH, la charge virale et les CD4, la non transmission du VIH sous traitement antirétroviral efficace, etc. Mais ce n’est peut-être pas vraiment partir de plus loin, simplement d’ailleurs : le lien émotif y est autre et demande d’autres approches, fait appel à d’autres connaissances, imaginaire qu’il me reste à apprivoiser.
Quel lien faire avec l’homophobie ? C’est que pour moi, l’homophobie affecte différemment les gais, les lesbiennes, les bisexuels et les personnes transsexuelles (on parle alors de transphobie). On pourrait en dire autant de la sérophobie. Les gais ont su bâtir une communauté de support autour de la maladie. Depuis que je suis à Montréal, j’ai rencontré plusieurs gais séropositifs qui m’ont soutenu dans ma propre compréhension de ce que voulait dire pour moi vivre avec le VIH. Et si j’ai été rejeté, il y en avait pour m’accueillir et me dire que ces gars étaient des cons. Mais il me semble que les bisexuels n’ont peut-être pas la même possibilité d’avoir un réseau de support aussi fort, du fait des préjugés auxquels ils font face à la fois de la part de la communauté gaie et de la part des hétéros. Des études ont démontré combien les hommes hétérosexuels séropositifs étaient plus isolés face à leur maladie que les femmes ou les gais. Qu’en est-il des bisexuels?
Je me questionne donc, dans mes expériences actuelles, sur quel sera le réseau de support qui saura m’écouter, m’aider à faire évoluer les mentalités dans ces espaces où les discussions sur le VIH/sida auront d’autres formes que celles du milieu gai. Parmi mes craintes, celle de me faire renvoyer à une étiquette que je n’utilise plus pour parler de moi, celle de me faire réduire encore une fois à cette identité gaie qui a longtemps collé au VIH/sida, celle, en quelque sorte, de rentrer dans un nouveau placard.
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