Il y a autant de façons de vivre avec le VIH que de personnes séropositives. Découvre-les et prends la parole à ton tour si tu le souhaites.
Vivre une deuxième pandémie…
J’ai vécu la pandémie du sida, qui n’est même pas terminée car de nombreuses personnes qui vivent avec le VIH n’ont pas encore accès aux traitements qui viennent contrôler cette infection.
À peine rétabli et vivant encore dans l’espoir qu’un vaccin apparaîtra bientôt, me voilà plongé dans une autre pandémie : celle de la COVID-19. C’est comme si j’étais retourné quarante ans en arrière.
Les plus jeunes n’ont pas connu cette période. La population générale – à part celles et ceux qui ont perdu des êtres chers – se souvient peu de la crise ou ne se souvient pas. Même chez les personnes qui vivent avec le VIH, plusieurs ayant reçu leur diagnostic après l’an 2000 ignorent qu’entre 26 et 43 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été emporté·es par ce virus à ce jour.
À 75 ans, je fais partie des gens qui se souviennent. Je fais partie des gens qui sont encore là.
Je fais partie de celles et ceux qui ont enterré des centaines de personnes, qui ont lutté et luttent toujours pour combattre un ennemi devenu visible, mais qu’on tarde à éliminer.
Vivre une deuxième pandémie me ramène à tout ce vécu de peur et de tristesse, mais aussi à ce vécu d’espoir, à ma croyance en la capacité humaine de grandir à travers ces temps si douloureux.
À mon âge et malgré mon désir aussi ardent de lutter, je dois cependant me rendre compte que mes armes doivent s’adapter à la réalité de mon vieillissement.
Je voudrais encore avoir la force d’être sur tous les fronts, de parcourir les rues au service des plus vulnérables. Je me retrouve confiné dans ma maison, condamné à suivre de jour en jour l’évolution de la pandémie, meurtri par le regard de personnes qui me jugent parce que je vais marcher pour changer d’air…
Malgré la distanciation physique, je reste en contact avec des personnes isolées aux prises avec une anxiété grandissante. Je me remets à livrer des réflexions sur mon quotidien.
Je suis bouleversé, attristé par ce qui se passe, mais je suis toujours vivant. Aussi, je voudrais dire à moi-même et à toutes les personnes qui me liront : la vie sera toujours plus forte que la mort.
Certain·es vont nous quitter, mais il y aura des survivant·es, qui seront nombreux·ses à se souvenir.
Il était une fois, un virus qui est venu s’abattre sur la terre. On ne savait pas quand la maladie allait s’arrêter. Mais un jour, ça s’est terminé. Et l’humain a recommencé à vivre, avec ses grandeurs et ses faiblesses…
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