Pour déconstruire les inégalités et trouver du soutien
Intersectionnalité 101
L’intersectionnalité renvoie au fait qu’une personne peut subir plus d’une discrimination à la fois.
Apprends-en plus sur le concept et comment il s'applique au vécu de beaucoup de personnes séropos (et, peut-être, du tien).
Naissance de l’intersectionnalité
C’est la juriste féministe américaine Kimberlé Crenshaw, spécialisée dans les questions de race et de genre, qui a formulé ce concept en 1989. Elle a utilisé l’image de l’intersection pour dénoncer le fait que les femmes Noires soient simultanément laissées pour compte:
- dans la lutte pour les droits des femmes, car le mouvement féministe se concentrait sur la discrimination faite aux femmes blanches
- dans la lutte pour les droits des personnes Noires, car le mouvement anti-raciste se concentrait sur la discrimination faite aux hommes Noirs
Les deux mouvements échouaient donc à reconnaître que les femmes Noires vivaient une forme de discrimination unique. Il ne s’agissait pas seulement de sexisme, pas seulement de racisme et pas seulement d’une alternance ou d’une addition des deux.
Les femmes Noires vivaient à l’intersection de ces deux discriminations.
Comme deux cercles se croisant, le sexisme et le racisme formaient une troisième expérience unique: la leur. Et tant que cette expérience unique ne serait pas reconnue comme telle, les droits des femmes Noires ne pourraient jamais avancer de façon satisfaisante.
L’intersectionnalité, concrètement
L’image de l’intersection est très utile pour comprendre toutes les discriminations et comment elles interagissent les unes avec les autres. Elle peut non seulement aider à décortiquer le fonctionnement de la société, mais aussi servir dans la vie de tous les jours, comme:
- un outil de solidarité et de compassion, qui permet de mieux comprendre les difficultés vécues par les autres et la spécificité de leurs expériences
- un outil de renforcement personnel, qui peut aider à mettre des mots sur des obstacles rencontrés et renforcer ses capacités à y faire face dans la dignité et la résilience
Et cet outil va maintenant au-delà de sa première formulation. Aujourd’hui, on inclut dans l’intersectionnalité tout ce qui peut influer sur la façon dont la société traite une personne: race, genre, classe sociale, orientation sexuelle, âge, aptitude physique et mentale…
Et statut VIH.
Intersectionnalité et VIH
« Le statut positif au VIH est très souvent associé à d’autres déterminants, qui s’entrecroisent et augmentent les chances de vivre de la stigmatisation. » (Brigitte Ménard, La stigmatisation intersectionnelle: elle est partout, mais la voyez-vous?, 16 juin 2022)
Dans le cadre de l’étude Index de la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH (2020), 281 personnes vivant avec le VIH québécoises ont été interrogées sur leurs expériences de la stigmatisation.
Les résultats ont démontré une très haute stigmatisation en lien avec le revenu ou l’emploi, suivie par l’orientation sexuelle, la race, puis le genre. La pratique du travail du sexe, la consommation de drogues, les situations de handicap, le statut migratoire et la transidentité étaient aussi nommés comme facteurs de stigmatisation.
Certain·es répondant·es à l’étude vivaient jusqu’à huit de ces stigmatisations de façon simultanée. La plupart en expérimentaient trois ou quatre à la fois – le tout, en plus de la sérophobie en tant que telle.
Il est donc démontré que les personnes vivant avec le VIH vivent très souvent à l’intersection de plusieurs inégalités sociales.
Trouver du soutien
Les obstacles sont réels, mais la solidarité l’est aussi. Parle à ton organisme communautaire VIH dès aujourd’hui.
Dès les tous débuts de l’épidémie, les militant·es et les organismes communautaires VIH du Québec se sont dédiés à la création d’espaces sécuritaires pour les personnes séropositives. Même avant la formulation du mot intersectionnalité, ils en avaient l’expérience concrète et offraient des services en conséquence.
Ça a commencé par les maisons d’hébergement, à l’époque où la trithérapie n’était pas encore accessible. Les maisons étaient des lieux de soins palliatifs et d’accompagnement, où toutes les personnes accueillies avaient droit à une fin de vie dans la dignité, peu importe leur identité.
Avec l'arrivée des médicaments et la possibilité de vivre longtemps avec le VIH, ces maisons sont devenues des endroits de transition, pour retrouver la santé et retourner dans la communauté. Certaines maisons ont développé des projets d’alternatives de logement, souvent sous forme de logements sociaux, avec ou sans soutien d'un·e intervenant·e.
Les organismes VIH se sont aussi diversifiés avec le temps. Par exemple, comme le manque d’argent a un impact sur toutes les sphères de la vie, beaucoup d’organismes ont des programmes d’aide à la recherche d’emploi, de distribution de nourriture, d’accès gratuit aux médicaments, etc.
Outre cela, plusieurs organismes VIH se spécialisent dans une seule intersection ou, en d’autres mots, travaillent auprès d’une population précise. Cela leur permet de fournir à chaque personne un accompagnement plus efficace, avec une compréhension plus profonde des enjeux qu’elle vit.
Les organismes plus généraux ne sont toutefois pas en reste: ils ont souvent des programmes spécifiques à une ou plusieurs populations.
Trouve l’organisme ou le programme qui correspond le mieux à tes besoins dès maintenant.